Instants de vie

Arte consacre un passionnant documentaire à la chanteuse grecque, aussi timide que populaire, dont la brillante carrière force le respect.

Six décennies à parcourir les scènes les plus prestigieuses, plus de 300 millions d’albums vendus, des tubes chantés dans une douzaine de langues, la carrière de Nana Mouskouri inspire le respect.

Nana Mouskouri, pour le meilleur et pour Le Pirée [Le monde.fr, Par Alain Constant, Publié le 03 avril 2020]

En juin 1961, dans un Berlin qui sera, quelques semaines plus tard, coupé en deux par le Mur, le jury de la prestigieuse Berlinale décerne une récompense pour un documentaire (Grèce, pays de rêve, de Wolfgang Müller-Sehn) qui n’est pas passé à la postérité. En revanche, la chanson de ce documentaire (Roses blanches de Corfou), interprétée en allemand par une inconnue de 26 ans à la belle voix de mezzo-soprano, ne passe pas inaperçue. Du jour au lendemain, Nana Mouskouri, chanteuse d’une timidité presque maladive, au physique banal, avec sa raie au milieu et ses grosses lunettes, va devenir une vedette en Allemagne avant de conquérir le monde.

Découpé en petits chapitres plutôt bien rythmés (« Nana et le jazz », « Nana et Paris », « Nana aux Etats-Unis », « Nana et la politique », etc.), ce documentaire retrace la vie d’une femme née en 1934, en Crète, dans une famille sans le sou. Six décennies à parcourir les scènes les plus prestigieuses, plus de 300 millions d’albums vendus, des tubes chantés dans une douzaine de langues différentes, la carrière de Nana Mouskouri inspire le respect. Au fil des chapitres, nombreuses sont les vedettes internationales qui soulignent son talent, de Charles Aznavour à Harry Belafonte, en passant par Michel Legrand ou Quincy Jones.

Fascinée par Over the Rainbow, chanté par Judy Garland dans Le Magicien d’Oz (1939), la petite Nana aurait décidé très tôt de faire du chant son métier. Quelques années au conservatoire d’Athènes, mais surtout des nuits entières à gagner sa vie dans les cabarets athéniens vont lui servir de formation. Un soir, sa compatriote Maria Callas, attablée dans un cabaret et intriguée par cette voix, fait signe à la jeune chanteuse de la rejoindre. « Je vais te donner un conseil : mieux vaut être une bonne chanteuse populaire qu’une mauvaise cantatrice ! » Message entendu.

En février 1961, Nana séjourne à Paris pour la première fois. Elle s’y installera quelques mois plus tard après un succès rapide, des tubes enregistrés en français et un relooking global (nouvelle coiffure, nouvelles lunettes, et dix kilos perdus en trois semaines). L’un des chapitres les plus intéressants concerne son amour du jazz. En 1962, elle passera trois semaines à écumer les clubs de New York en compagnie de Quincy Jones, tombé sous le charme de sa voix et qui enregistrera un album avec elle. La sage Nana est donc aussi une fille qui swingue.

« Nana Mouskouri, instants de vie », documentaire de Jana von Rautenberg (All., 2019, 52 min). Disponible sur Arte.tv jusqu’au 9 avril.
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